Deux ans après Séville et deux mois avant l'Euro en France, les Bleus s'offrent le 18 avril 1984 un succès de prestige contre la RFA, vice-championne du monde et tenante du titre européen. Une petite revanche aussi
Forcément, tout le monde y pense encore en ce mercredi 18 avril 1984. Même à quelques semaines du grand événement que doit être la 7e édition du championnat d'Europe de l'UEFA, organisée dans l'Hexagone (du 12 au 27 juin, à Bordeaux, Lens, Lyon, Marseille, Paris, Saint-Etienne, Strasbourg), les esprits restent inévitablement tournés vers le passé.
Tournés vers un certain jeudi 8 juillet 1982 et cette demi-finale de la Coupe du monde (Espagne) disputée entre la France et la RFA au stade Sanchez-Pizjuan de Séville. Un match de légende, entre rêve et cauchemar pour les Bleus de Michel Hidalgo, privés d'une première finale mondiale par une Mannschaftqu'ils croyaient bien avoir mis à terre (3-3 et 4 tirs au but à 5).
Alors oui, à l'heure de voir Français et Allemands se retrouver de nouveau face à face pour un match de préparation à l'Euro qui se profile, il ne faut pas scruter longtemps le ciel de Strasbourg pour y apercevoir quelques fantômes sévillans en cette soirée d'avril.
Tout est d'ailleurs réuni pour faire de ce rendez-vous des retrouvailles de gala. Les deux équipes sont donc qualifées pour cet Euro, que la France jouera chez elle et que la RFA aborde en favorite. Elle est vice-championne du monde 1982 et championne d'Europe en titre depuis 1980. Le stade de la Meinau lui-même a revêtu de nouveaux habits de lumière : il a été entièrement reconstruit pour l'Euro, cinq années et 115 millions de francs (17,5 millions d'euros environ) de travaux pour faire de l'enceinte alsacienne l'une des plus modernes d'Europe.
Le coup d'envoi est donné devant près de 40 000 spectateurs, auxquels s'ajoutent 5 000 jeunes invités, il n'y a plus un strapontin de libre. Sur la feuille de match, pas de Platini, ni de Giresse ou Tigana. Tous trois sont forfaits, comme Touré, Girard ou Tusseau. Les Bleus, conduits par Maxime Bossis, capitaine, semblent affaiblis face aux frères Förster, aux Brehme, Briegel, Rollf, Matthaüs, Littbarski, et autres Rummenigge, sans oublier l'inévitable Harald Shumacher, au centre de la rancœur nationale depuis Séville et le choc avec Patrick Battiston (photo ci-dessus, AFP).
Manuel Amoros à la lutte avec Lothar Matthaüs. Andréas Brehme (de dos) et Hans-Peter Briegel sont prêts à intervenir aussi.
S'il n'est guère sollicité par des Tricolores rendus prudents par les contre-attaques adverses en première période, le gardien allemand les tient à lui seul en échec après le repos. Car les Bleus ont enfin décidé de bousculer cette RFA campée sur son piédestal. Tour à tour, Daniel Bravo, Bruno Bellone, Bernard Genghini, Didier Six (photo principale), Yvon Le Roux ou encore Philippe Anziani voient leurs tentatives repoussées par ce diable de "Toni" Schumacher.
La France pousse, la Meinau derrière elle, la RFA plie et finit par rompre. À la 79e minute, Didier Six, sur le côté droit, met Hans-Peter Briegel sur les fesses d'un crochet du pied gauche. Le centre du Mulhousien arrive sur Bernard Genghini aux six-mètres face au but. La reprise de volée du Monégasque est imparable (1-0). Les Bleus s'offrent une part de revanche sur la Mannschaft et une troisième victoire de suite en ce début d'année, après celles obtenues contre l'Angleterre (2-0) et l'Autriche (1-0).
Michel Hidalgo : "La RFA à contre-pied"
"Aussi bien du côté de l'Équipe de France que celui de la RFA, on désirait la victoire, explique le sélectionneur Michel Hidalgo après la rencontre, en conférence de presse. Il n'y a rien de péjoratif dans mes propos, mais je dois dire que l'Équipe de France a joué comme une équipe de juniors. Pas le moindre calcul. Toujours ce grand désir d'aller de l'avant. Le jeu des Tricolores semblait bien posé, fixé dans les têtes comme dans les jambes. Face à la puissance physique allemande, nous avons opposé notre vivacité, notre plus grande mobilité. Nous avons su varier notre jeu. Nous avons pris la RFA à contre-pied. Devant la force, c'est toujours le contre-pied qui prime".
Le lendemain de ce succès de prestige, L'Équipe titre : "Ça nous promet un bel été". Mais personne ne sait encore qu'une passation de pouvoir s'est effectuée, la veille, à la Meinau. Lors de l'Euro, la RFA sera éliminée dès le premier tour, devancée dans son groupe par l'Espagne et le Portugal. Pour la France, ce sera l'heure d'un premier triomphe, d'un premier trophée. Historique.